LE DOSSIER DES RG
ARTICLE
2 : Hooligans du PSG : le rapport qui fait peur.
Une enquête des renseignements généraux, que nous nous sommes procurée,
dresse un tableau édifiant de la violence de certains supporters du PSG. Ils
sont quelques centaines à copier le modèle allemand et sont prêts au combat.
LES HOOLIGANS français sont toujours là. Plus violents et mieux organisés.
Plus jeunes et plus déterminés, aussi. En toile de fond de leurs actions
apparaissent la haine interrégionale et le racisme. Certains d'entre eux, les
plus violents, se revendiquent du nazisme. Ces « nouveaux » hooligans, encadrés
par des anciens issus des groupes les plus durs, sévissent partout, dans tout
l'Hexagone. Dans le Championnat de France de D I mais aussi en D II. A
Marseille, Bordeaux, Saint-Etienne, Lille ou Nancy... Mais les plus dangereux «
supportent » le PSG. Un tiers des incidents recensés lors de la première
partie de l'actuelle saison leur sont ainsi attribués, comme ceux survenus lors
du PSG - OM du 29 novembre.
Une véritable guérilla urbaine Telles sont les conclusions du rapport très
confidentiel des Renseignements généraux (RG), remis le 17 décembre 2001 au
ministre de l'Intérieur, Daniel Vaillant, dont nous révélons aujourd'hui le
contenu. La note se compose de quatre pages détaillées. Elle fait peur, par
l'ampleur du phénomène et la gravité des faits recensés. « 59 rencontres
ont été émaillées d'incidents cette année contre 35 en 2000 », précise le
document. Le nombre de blessés augmente, le tribut payé par les forces de
l'ordre, prises comme cible principale, est de plus en plus lourd. Encore plus
inquiétant, les méthodes de ces groupes organisés, composés de plusieurs
centaines d'individus, sont désormais calquées sur le modèle allemand et
s'apparentent à une véritable guérilla urbaine. Comme si se constituait une
« véritable Europe du hooliganisme ». Personne n'a oublié le gendarme Nivel,
victime à Lens des hooligans allemands durant le Mondial 98... Anne Vosgien,
procureur de la République en charge du dossier parisien, tire le signal
d'alarme : « Ça va devenir de plus en plus dangereux », prédit-elle, en
regrettant la faiblesse des moyens de lutte. Les clubs sont dépassés, à
l'image d'un PSG visiblement impuissant. « Nous sommes un peu en stand-by
depuis septembre, reconnaît un dirigeant parisien, mais cela fait partie de nos
préoccupations. Nous sommes conscients que ce qui se passe dans certaines
tribunes est une catastrophe, une honte. Le club est pris en otage (*). » En
mars dernier, les images spectaculaires des incidents de PSG - Galatasaray au
Parc des Princes, en Ligue des champions, ont fait le tour du monde. En octobre
2001, France - Algérie, au Stade de France, a donné lieu lui aussi à des débordements,
d'un genre bien différent, n'impliquant pas des groupes de hooligans structurés,
mais plutôt des jeunes de la banlieue en mal d'intégration. Seule constante
entre ces deux rencontres : certains jeunes profitent des grands matchs pour
s'exprimer de plus en plus violemment. Désormais, c'est tout le football français
et les pouvoirs publics qui doivent réagir, au plus vite.
ARTICLE 3: les Ultras de Saint-Etienne et de Bordeaux s'allient.
LE RAPPORT des RG ne se limite pas au PSG. Il évoque, en province, l'arrivée
de jeunes supporters « souvent issus des cités sensibles, plus déterminés
que leurs aînés, et faisant montre de plus d'agressivité, notamment à
l'encontre des forces de l'ordre ». Ils ont été remarqués « à des degrés
divers à Marseille ou Lille ». Depuis la rédaction de ce rapport, de graves
incidents ont suivi le match OM - Lens, donnant lieu à six arrestations, dont
celle du président des Ultras de l'OM, toujours maintenu en détention pour «
violence volontaire en réunion avec armes, dégradations sur un snack-bar aux
alentours du Stade-Vélodrome et agressions sur le personnel ». Le jugement
sera rendu le 21 janvier.
La D II n'est pas épargnée En D II, le rapport des RG pointe les incidents
notables où les supporters de Saint-Etienne se distinguent. « Les mouvements
d'humeur (des supporters stéphanois) se traduisent par de graves débordements.
Principalement motivés par leur ressentiment contre leurs instances
dirigeantes, les hooligans foréziens ont, à plusieurs reprises, démontré que
la rétrogradation de leur club en division inférieure n'avait en rien entamé
leur détermination. » Plusieurs incidents sont détaillés : « Après s'être
illustrés par des heurts à Grenoble le 17 août (onze blessés) (une centaine
de supporters stéphanois, issus des deux groupes à risques, Green Angel et
Magic Fans, se sont affrontés dans les travées du stade isérois), puis à
Nice le 22 septembre, les Ultras stéphanois ont prouvé leur dangerosité le 5
octobre à Beauvais. Déçus par la nouvelle défaite de leur équipe, et après
avoir jeté des pierres sur le bus des joueurs stéphanois à leur sortie du
stade, une quarantaine de hooligans leur ont tendu un guet-apens sur la voie
express. Une altercation a été évitée par un demi-tour risqué du véhicule.
(...) Le 13 octobre à Saint-Etienne, à l'issue du match contre Le Havre, 400
à 500 supporters mécontents se sont rassemblés à l'appel des associations.
(...) Des heurts très violents ont opposé des hooligans déchaînés aux
forces de l'ordre. Seule l'infrastructure du stade, améliorée à l'occasion de
la Coupe du monde 1998, a permis de contenir les hooligans en dehors de
l'enceinte (treize policiers blessés, deux interpellations). Cette motivation
des hooligans foréziens, face à l'absence d'opposants sérieux en D II, les
conduit actuellement à rejoindre les supporters bordelais, alliés
inconditionnels des Verts, dans leurs déplacements musclés. Ainsi le 9 décembre
lors du match Olympique lyonnais - Girondins de Bordeaux, trente à quarante
Magic Fans renforçaient le collectif Ultramarines emmené par le hooligan
bordelais F.B. » On assiste donc à des rapprochements entre supporters de différents
clubs, qui scellent de nouvelles alliances.
Article 4: des meneurs au casier judiciaire chargé.
Les différents agitateurs cités dans le rapport des RG sont loin d'être des
novices dans le domaine du hooliganisme. Tous se sont déjà illustrés lors
d'incidents, aux alentours et dans l'enceinte du stade. Y.M., 25 ans, a déjà
été condamné à de la prison pour des faits de violence lors de rencontres du
PSG. Cette forte tête du hooliganisme parisien est connue pour se promener avec
des chiens de combat. L.M., 28 ans, également « supporter » de Paris, présente
le même profil. Il a déjà été poursuivi et puni en 1997 par la justice pour
des actes de violence et des dégradations sur des biens à l'occasion de matchs
au Parc des Princes. Les RG consacrent un important paragraphe à F.B., 32 ans,
meneur des hooligans bordelais. Ce jeune homme, déjà inquiété pour des
affaires de stupéfiants, s'est retrouvé à l'origine de violentes bagarres. Il
a été jugé et condamné aussi pour coups et blessures. Ces troubles lors des
manifestations sportives lui ont interdit l'accès du stade Chaban-Delmas
pendant une durée de six mois. Une interdiction qui ne l'a pas empêché de
s'introduire dans les tribunes lors de matchs de Bordeaux. « Ces trois
hooligans sont des gros bras qui se servent du stade comme exutoire. Ils ont déjà
un lourd passé judiciaire en dehors du hooliganisme. Ils vivent de petits
boulots, comme livreur ou chauffeur de bus », explique une source spécialiste
de ces dossiers. Ces caïds, extrêmement violents et fichés par les services
de police, exercent indiscutablement une influence sur de jeunes supporters prêts
à imiter leurs modèles.